Depuis lundi 4 mai, les pharmacies et les commerces ont l’autorisation de vendre des masques de protection jetables ou en tissu à l’ensemble de la population, qui en aura besoin dès le déconfinement. Les masques deviennent ainsi des produits de première nécessité. Or, ils sont loin d’être accessibles à tous et vont peser dans le budget des ménages. En trouver en pharmacie ou en grande surface relève encore du parcours du combattant, les prix vont du simple au double, et évaluer leur qualité s’avère plus compliqué que prévu.
Ils font partie du dispositif de déconfinement. Mais pour trouver des masques, mieux vaut se lever de bonne heure. Lidl a annoncé avoir écoulé en quelques heures les 5 millions d’exemplaires mis en vente dans ses magasins lundi matin. Chez Intermarché, il faut les réserver sur le site Internet de l’enseigne : « Connectez-vous dès l’ouverture des commandes, à 9 heures, et ne quittez surtout pas la file d’attente virtuelle », conseille une vendeuse. Carrefour les propose en vente uniquement aux caisses afin de les rationner. Car les livraisons sont aléatoires. Ainsi, une enseigne Bi1 (Auchan) du Loiret « en attend pour la fin de la semaine mais sans certitude, et sans savoir quelle quantité sera livrée (10 cartons ou 3 palettes ?), ni à quel prix ! ». Quant aux pharmaciens, certains attendent encore leurs commandes. Monoprix, lui, ne propose que des masques en tissu sur son site Internet.
Disponibles en pharmacie et en grandes surfaces
Après une période de pénurie qui a particulièrement touché le personnel soignant, les masques dits « chirurgicaux » sont en vente libre. Compte tenu d’une offre encore limitée, ils devraient être surtout proposés en pharmacie et dans les grandes surfaces. La grande distribution, avec sa force de frappe commerciale, sera en capacité de fournir les plus gros contingents.
Les arrivages sont néanmoins progressifs. Certaines enseignes relèvent l’identité des acheteurs, afin de réguler les achats par famille. Ainsi, Leclerc limite le nombre de masques à 10 par carte d’identité relevée, à raison d’un achat tous les 7 jours.
Intermarché a brièvement annoncé réserver ses masques chirurgicaux aux titulaires de sa carte de fidélité, avant de faire machine arrière devant le tollé suscité. Surtout, l’enseigne se trouvait en infraction : l’article L.122-1 du Code de la consommation stipule qu’il « est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit » ou de la conditionner à la vente d’un autre produit ou d’un service… Cette pratique peut faire l’objet d’un signalement auprès de la Répression des fraudes.
Un budget mensuel de 45 à plus de 85 € par personne
Le gouvernement a plafonné le prix des masques chirurgicaux à usage unique (à trois plis, de couleur blanche ou bleue) à 0,95 € l’unité. Un montant maximal sur lequel se sont alignées les pharmacies. À ce tarif-là, le budget mensuel s’envole à 85 € par personne (à raison de 3 masques par jour), soit 342 € pour une famille de 4 personnes ! Un montant « intenable », pour l’UFC-Que Choisir. De son côté, la grande distribution a annoncé les vendre à prix coûtant, soit 0,50 à 0,60 € l’unité selon les enseignes, ce qui représente un budget mensuel de 45 à 54 € par personne.
Pourquoi une telle différence ? « Les pharmaciens dépendent des grossistes avec lesquels ils travaillent, explique Carine Wolf, la présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens. Le marché est très risqué actuellement. Or, une officine ne peut se permettre de passer une commande peu sûre. » Sa petite taille ne lui permet pas de travailler en direct avec les fabricants chinois, ni de bénéficier de tarifs avantageux. Les pharmaciens ne vendent donc pas les masques au prix coûtant, contrairement à la grande distribution, qui les utilise à l’inverse comme produits d’appel.
Avant la crise actuelle, il était possible de se procurer ces précieuses protections « pour 6,50 € la boîte de 50, voire 6 € la boîte si j’en commandais 10 », explique une esthéticienne, et à moins de 5 € en officine, selon un pharmacien parisien. Cette hausse des prix laisse songeur, mais peut s’expliquer par l’explosion de la demande mondiale.
En revanche, aucun plafond n’a été fixé pour les masques en tissu réutilisables homologués par l’Afnor, malgré les demandes répétées des pharmaciens. Un projet d’encadrement des prix en fonction du nombre de lavages tolérés est à l’étude par les pouvoirs publics.
À noter. Depuis le 24 avril, la TVA sur ce produit est passée de 20 % à 5,5 %. Vous pouvez la vérifier sur l’étiquette du prix en rayon ou sur la facture. Certains le rappellent sur leur site Internet. Néanmoins, des erreurs nous ont été rapportées. Pour rappel, le prix faisant foi est le prix TTC.
Trois types de masques chirurgicaux, mais pas de FFP2
« Il y a trois types de masques chirurgicaux : les types I, II et II R (du moins bon au meilleur) selon le taux de filtration bactérienne et l’imperméabilité (1) », explique un pharmacien parisien. En revanche, les modèles disponibles au public ne sont pas des FFP2, contrairement à ce qui a pu être indiqué dans certaines grandes surfaces. Ces derniers, qui offrent une meilleure protection, restent réservés au personnel soignant.
Comment reconnaître un « bon » masque ? Pas si simple : la présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens s’en arrache les cheveux. « Clarifier les équivalences des normes en vigueur dans les différents pays s’avère très compliqué, soupire-t-elle. Mais le ministère de l’Économie devrait apporter des précisions dans les prochains jours. » Jusqu’à présent, les masques chirurgicaux n’étaient quasiment pas utilisés en dehors des services médicaux. C’est aussi ce qui explique l’ampleur de la confusion qui règne aujourd’hui, face à un produit confidentiel devenu du jour au lendemain une denrée précieuse. Dans le doute, allez plutôt voir votre pharmacien.
Consulter la notice
« Demandez la notice pour chaque achat, conseille Carine Wolf. Même si vous n’en achetez qu’un ou deux, déconditionnés. Y figurent les caractéristiques du produit, entre autres le niveau de protection qu’il assure, ainsi que les recommandations sur le port du masque. » Car pour qu’il joue son rôle protecteur, il ne doit pas être mis n’importe comment (nos conseils pour bien utiliser un masque). Ainsi, n’en déplaise à ses adeptes, la barbe réduit son efficacité, explique l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS).
Les pharmaciens eux-mêmes s’inquiètent : comment fournir les bonnes informations aux clients, alors que les normes diffèrent d’un pays à l’autre, et qu’aucune équivalence officielle ne leur a été fournie ? Et comment repérer les faux, alors que les arnaques pullulent (sur les masques particulièrement) ?
Avant tout, respecter les gestes barrières
« Surtout, n’oubliez pas les gestes de protection les plus efficaces, rappelle Carine Wolf. Ce qui compte avant tout, ce sont la distanciation physique et le lavage des mains. Un masque n’est qu’une barrière de plus. Sa qualité est importante, mais moins que ces gestes-là. »
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Elsa Casalegno