Au-delà de l’actuelle crise sanitaire et de ses innombrables impacts, existe-il un risque de faillite des établissements bancaires ? Et donc un risque de disparition totale ou partielle de l’épargne de chacun ? Nos réponses.
Parmi les scénarios les plus noirs de la sortie de crise liée à la pandémie du coronavirus, il en est un qui inquiète bon nombre de Français : celui d’un krach financier mondial qui, en plus de la dégringolade actuelle des marchés financiers, se traduirait à terme par une faillite du système bancaire, c’est-à-dire par une faillite des banques, des sociétés de gestion de portefeuilles et des entreprises d’investissement… D’où la question, légitime d’ailleurs, du devenir de l’épargne : serait-elle protégée un tant soit peu ou, au contraire, serait-elle amenée à fondre comme neige au soleil ?
Deux dispositifs légaux de protection
Depuis une vingtaine d’année, il faut savoir qu’il existe en France plusieurs dispositifs de protection de l’épargne au sens large détenue par les particuliers, créés par la loi sur la sécurité financière du 25 juin 1999. Ces dispositifs ne peuvent être mis en œuvre que sur demande de l’Autorité de contrôle et de supervision des banques et des sociétés d’assurances (ACPR). Le premier, assuré par le Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR), est plus connu sous le nom de « garantie des dépôts ». Si votre banque adhérente au FGDR était en faillite, et si votre épargne était de ce fait indisponible, cette garantie vous permettrait d’être indemnisé(e) dans un délai n’excédant pas 7 jours ouvrables, sans aucune démarche de votre part. Le second est assuré par le Fonds de garantie des assurances de personnes (FGAP) : comme son nom l’indique, il joue différemment, puisque uniquement en cas de défaillance d’une société d’assurances de personnes.
Une mise en œuvre exceptionnelle jusqu’à présent
Pour autant, si ces boucliers ont l’immense mérite d’exister, il faut également savoir que leur mise en œuvre demeure pour le moment exceptionnelle. Au moins en France car lorsqu’ils existent dans d’autres pays, ils ont parfois été plus largement utilisés. Depuis sa création, le FGDR n’a en effet eu à intervenir qu’une fois, en 2010, pour la garantie des titres en indemnisation des clients de l’Européenne de gestion privée et deux fois, mais à titre préventif uniquement, c’est-à-dire sans qu’il soit nécessaire d’indemniser directement les clients, en 1999 pour la garantie des dépôts (Crédit martiniquais) et en 2013 pour la garantie des comptes titres (Dubus SA). Quant au FGAP, il aurait pu intervenir en l’an 2000, lors de la mise en liquidation d’une petite compagnie d’assurance vie (ICD Vie), mais à l’époque d’autres acteurs du secteur se sont portés garants de ses contrats, et ces derniers ont donc tous été transférés sans pertes pour les épargnants.
Produit par produit, les garanties prévues
Selon le fonds de garantie amené à intervenir, voici de façon très pratique, les garde-fous dont peuvent bénéficier vos comptes ou produits d’épargne.
Pour votre compte courant, pour l’épargne logement que vous pouvez détenir au travers d’un plan ou d’un compte, pour vos livrets d’épargne non réglementés (type livret bancaire), pour les comptes espèces obligatoirement adossés à un compte titres ou à un PEA (plan épargne en actions), ainsi que pour le livret Jeune de vos enfants de moins de 25 ans, la garantie des dépôts (assurée par le FGDR) s’élève à 100 000 € par déposant et par banque. Par exemple, si vous détenez 40 000 € sur un plan épargne logement, 20 000 € sur votre compte courant, 30 000 € sur le compte espèces lié à votre PEA (parce que vous avez vendu une partie de vos actions au début de la crise) et 30 000 € sur un livret bancaire, vous pourriez être indemnisé à hauteur de 100 000 €, mais non de 120 000 €, somme qui correspond, dans ce cas, au total de vos avoirs. Pour les comptes joints, ce plafond de 100 000 € s’applique à chaque cotitulaire, à hauteur de chaque quote-part, mais l’indemnisation englobe également et éventuellement le ou les comptes personnels de chaque cotitulaire. Si vous avez ouvert un PEL à un de vos enfants encore mineur, la garantie jouerait pour ce support jusqu’à 100 000 €, y compris si vous en bénéficiez déjà pour vous-même, puisque les mineurs sont considérés comme des déposants à part entière. Enfin, si vous détenez à la fois un compte personnel et un compte professionnel, sachez qu’une indemnisation à hauteur respective de 100 000 € est prévue si ces deux comptes sont détenus dans deux établissements bancaires différents. Lorsque ce n’est pas le cas, l’entrepreneur individuel (artisan, commerçant, professionnel libéral…) ne peut en bénéficier, en plus de celle appliquée à son compte personnel, que s’il exerce son activité dans le cadre d’une personne morale (SARL, EURL, EIRL…).
Pour l’épargne en attente de réemploi, logée sur un compte courant, un compte à terme ou encore un livret d’épargne non réglementé, le montant de la garantie des dépôts peut aller jusqu’à 500 000 € dès lors qu’il s’agit bien d’un « dépôt exceptionnel temporaire ». Cette définition suggère deux impératifs. D’une part, la somme en question doit avoir été déposée à la banque moins de 3 mois avant la défaillance de cette dernière. D’autre part, elle doit provenir d’une opération considérée comme non courante : héritage, donation, vente d’un bien immobilier, versement d’une prestation compensatoire, d’indemnités conventionnelles ou transactionnelles de rupture d’un contrat de travail ou encore d’indemnités allouées par un tribunal. Une précision : toute indemnité perçue pour dommages corporels est couverte sans limite de montant.
Pour l’épargne détenue sur un livret réglementé, tel le livret A, le livret de développement durable et solidaire (LDSS) ou encore le livret d’épargne populaire (LEP) accessible aux personnes peu ou pas imposables, il existe ici aussi une garantie qui va jusqu’à 100 000 € par client et par établissement. Cette garantie est une garantie de l’État lui-même, le FGDR étant ici uniquement chargé des opérations d’indemnisation. Autre précision importante : elle fonctionne indépendamment (et donc en plus) de la garantie des dépôts applicable aux autres comptes et livrets d’épargne décrits ci-dessus.
Pour l’épargne détenue sur un compte titres ou sur un PEA, il existe une garantie des titres (assurée par le FGDR) qui va jusqu’à 70 000 € par client et par établissement. Elle concerne tous types de titres : actions, obligations, parts ou actions d’OPCVM… (art. L. 211-1 du code monétaire et financier). Mais attention : cette garantie ne se déclenche pas en cas de chutes des marchés, et donc de pertes financières, comme c’est le cas actuellement, y compris si la valeur des titres détenus approche du niveau zéro… Elle ne peut être mise en œuvre par le FGDR que si les établissements financiers ne sont pas ou plus en mesure de les rembourser ou de les restituer (cessation des paiements, malversations informatiques…).
Pour l’épargne détenue sur un contrat d’assurance vie, la garantie prévue pour les souscripteurs va jusqu’à 70 000 € par contrat, et surtout par compagnie d’assurances. Cette précision est importante car il est fréquent qu’un épargnant détienne deux contrats, de générations différentes, chez le même assureur, mais non chez des assureurs distincts. Dans ce cas, si l’assureur fait faillite, il ne serait indemnisé qu’à hauteur de 70 000 €, y compris si le total de son épargne est de 250 000 € par exemple ! Seconde précision : cette garantie vaut quel que soit le mode de souscription du contrat, que ce soit auprès d’une banque traditionnelle ou en ligne, d’une compagnie d’assurances (via un agent ou un courtier) ou encore sur internet. Troisième et dernière précision : comme celle attachée aux comptes titres et aux PEA (voir ci-dessus), cette garantie est différente de celle qui existe pour le capital logé dans le fonds euros (qui permet de ne pas voir baisser le montant de son épargne) et ne joue absolument pas, s’il y a baisse, même vertigineuse, de la valeur des parts des supports en unités de compte du contrat.
Pour les contrats d’épargne retraite individuels (PERP, contrats Madelin…) et les contrats d’épargne retraite d’entreprise (Perco, Perco-I, Pere, contrats dits article 83…) ainsi que pour les nouveaux contrats PER, la garantie du FGAP en cas de faillite de l’assureur est identique à celle prévue pour les contrats d’assurance vie : 70 000 € maximum. Là encore, mieux vaut détenir ces contrats ou un contrat d’assurance vie chez des assureurs différents.
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Roselyne Poznanski