Moins souvent, moins durement et moins longtemps touchés que les adultes par le Covid-19, les enfants seraient également moins impliqués dans la chaîne de transmission du virus. Décryptage et explications à quelques semaines de la réouverture annoncée des écoles.
À quel point les enfants sont-ils touchés par le Covid-19 et à quel point le transmettent-ils ? Ces deux questions sont indissociables et centrales dans la perspective du 11 mai et de la réouverture, progressive et partielle, des établissements scolaires.
Moins fréquent
En cette fin avril, deux décès sont à déplorer chez des enfants atteints du Covid-19. Cela témoigne du caractère rarissime de l’événement. Il est désormais assez bien établi que cette épidémie d’un nouveau genre épargne les plus jeunes. Les enfants sont moins fréquemment atteints que les adultes. En France, ils ne représentent que 1 % environ des malades alors qu’ils comptent pour plus de 20 % de la population. À l’étranger, le constat est similaire. En Islande, où des tests diagnostiques ont été menés en population générale, aucun cas n’a été détecté chez les moins de 10 ans contre 0,8 % des personnes plus âgées. Dans les groupes à risque (retour de zone à risque, contact avec personne malade, etc.), l’incidence était moitié moindre chez les moins de 10 ans (6,7 %) par rapport aux adolescents et adultes (13,7 %).
Moins méchant
Moins fréquent donc, le Covid-19 est également moins grave chez les enfants atteints. Les symptômes sont généralement plus légers que chez les adultes. Une étude menée en Chine sur plus de 2 000 patients pédiatriques montre que 90 % des cas sont bénins : des formes légères (infection respiratoire haute, fièvre), modérées (toux, pneumonie mais pas de difficultés à respirer) voire asymptomatiques. Le bulletin du 24 avril 2020 de Santé publique France (pour la semaine précédente) montre que, chez les personnes hospitalisées, 0,4 % ont moins de 15 ans et c’est encore moins en réanimation. Moins lourdement atteints, les enfants sont aussi moins longtemps malades : ils se « débarrassent » plus vite de SARS-Cov-2 (le virus qui entraîne le Covid-19) que leurs parents ou grands-parents. Ils sont donc moins longtemps contagieux.
Moins bruyant
Depuis le début de l’épidémie, il apparaît qu’une proportion importante des enfants touchés présente des symptômes très ténus (ils sont dits paucisymptomatiques) ou ne présentent pas de symptômes du tout (asymptomatiques ou porteurs sains). Pour l’heure, cette proportion est mal établie, mais on peut avancer une estimation de l’ordre 30 à 50 %, voire plus.
Lors de tests diagnostiques systématiques dans des familles atteintes, 28 % des enfants positifs étaient asymptomatiques : les tests montraient bien qu’ils étaient malades mais ils n’en présentaient aucun signe notable (fièvre, toux, perte de goût ou d’odorat…). Dans une étude menée en Islande, c’était 50 % des malades (adultes et enfants) qui ne présentaient pas de symptômes. Enfin, le petit village italien de Vo’Euganeo offre un éclairage similaire. Ses quelque 3 000 habitants ont été rapidement isolés après la survenue du premier décès du Covid-19. Des tests menés à grande échelle ont montré qu’environ la moitié des malades n’avaient pas présenté de signes de la maladie.
Forme sournoise ou forme anodine ?
L’importante proportion de malades asymptomatiques est une donnée cruciale dans le débat sur la contagiosité des enfants. En effet, on peut en interpréter les conséquences de deux façons. La première, c’est considérer que ces enfants malades mais sans symptômes participent activement et silencieusement à la propagation de l’épidémie. Puisqu’on ne les voit pas malades, on ne les sait pas malades, ils restent à l’école et de ce fait, ils contamineraient sans le savoir un grand nombre de personnes. Une seconde façon de voir les choses est en train d’émerger : elle considère que l’absence de symptômes s’accompagne plutôt d’une faible contagiosité. Il existe en effet des arguments pour penser que les personnes les plus gravement malades sont les plus contagieuses. C’est le cas par exemple des grippes. Ces patients toussent plus (et donc diffusent plus le virus), leurs excrétions sont plus chargées en virus et ce, sur une plus longue période.
Une contagiosité sans doute moindre
Si rien n’est définitivement établi à propos de la contagiosité des enfants, la tonalité a franchement changé. Au début de l’épidémie, un rôle majeur leur était attribué dans la propagation de l’épidémie. Leur réputation de réservoirs à microbes se fondait alors sur ce que l’on observe en cas d’autres infections, de la grippe en particulier. Mais le Covid-19 n’est pas une grippe. De plus en plus d’experts considèrent désormais que la participation des enfants dans la chaîne de transmission du virus est moindre que celle envisagée initialement et moindre que celle des adultes.
Un cas frappant est donné par cet enfant de 9 ans, contaminé dans un cluster (foyer de contamination) de Haute-Savoie. Les chercheurs ont remonté la piste de tous ses contacts : aucune, parmi les 172 personnes qu’il a croisées, dans non moins de trois écoles différentes et une de ski, n’a déclaré de Covid-19. Sa fratrie a également été épargnée. En revanche, cet enfant comme sa fratrie ont été infectés par plusieurs autres virus, dont celui de la grippe.
Ce cas n’est pas suffisant pour conclure mais rejoint un faisceau d’arguments en faveur d’une moindre contagiosité des enfants. L’Académie de médecine note qu’« en Chine, la plupart des cas pédiatriques ont succédé à une contamination par l’entourage adulte ». La transmission se ferait donc plus volontiers des parents vers les enfants que la réciproque. D’ailleurs aucun cas-index (point de départ d’une chaîne de transmission) n’est un enfant, souligne le Dr Claudina Michal-Teitelbaum, médecin en PMI et chercheuse indépendante. En dépit de leur notoriété de bouillons de culture, aucune crèche ou aucune école n’a été le lieu d’une épidémie en France, ni aucun collège ou aucune université.
Seule exception : dans l’Oise, un des tout premiers clusters a toutefois touché un lycée début 2020. Une étude parue récemment a analysé ce qu’il s’y est passé et a établi, sur la base de tests sérologiques, un taux d’infection de 25,9 %. Ce taux est « relativement bas », jugent les auteurs qui soulignent qu’à cette époque aucune mesure n’avait été mise en place et que le virus circulait donc allègrement. Il est intéressant de noter que ce taux s’élevait à 41 % au sein du lycée (élèves, enseignants et autres personnels) mais à 11 % seulement chez les proches des lycéens (parents, frères et sœurs). Il ressort de ces chiffres que les lycéens ont assez peu rapporté le virus à la maison. Et ce, alors que les adolescents sont les plus touchés dans la population pédiatrique (voir encadré).
Ces données permettent donc de revoir franchement à la baisse le rôle des enfants dans la chaîne de transmission du Covid-19. Elles ne les exemptent pas pour autant. Dans sa note du 24 avril sur la réouverture des écoles, le conseil scientifique Covid-19 rappelle que les règles de distanciation sociale et les mesures barrières, le lavage des mains en particulier, devront être respectées et… enseignées !
Pourquoi les enfants sont-ils moins malades ?
Que les enfants réagissent différemment des adultes à un virus n’est pas inédit. La varicelle par exemple, extrêmement contagieuse, est relativement bégnine chez les petits alors que les adultes touchés peuvent être gravement atteints. Pour expliquer la relative résistance des enfants à SARS-Cov-2 (le virus qui entraîne le Covid-19), différentes pistes d’explications sont avancées. Certains de leurs récepteurs (dits ACE2), qui servent de porte d’entrée au virus, seraient moins matures, ce qui ferait barrière contre les virus. Cela reste très hypothétique. Plus probables sont les pistes immunitaires. Le système de défense contre les agents pathogènes des enfants étant encore en formation, il réagit sans doute différemment. Il se peut qu’il ne provoque pas l’orage inflammatoire responsable des complications sévères voire mortelles chez les adultes. Moins spécialisé que celui des adultes, leur système immunitaire serait aussi plus polyvalent, donc capable d’affronter un virus inconnu. Enfin, les petits sont plus fréquemment exposés et touchés par des virus respiratoires comme ceux du rhume. Ceci pourrait leur conférer une forme de protection contre SARS-Cov-2, qui leur est apparenté.
Des ados bien plus touchés que les moins de 10 ans
Au sein de la population des moins de 18 ans, des nuances sont à faire entre les enfants. La moindre gravité des symptômes est d’autant plus marquée qu’ils sont petits. Les chiffres du Centre américain des maladies (CDC) montrent une inégale répartition : près du tiers des cas pédiatriques recensés surviennent chez les 15-17 ans (32 %), suivis par les 10-14 ans (27 %). Ces taux sont quasi divisés par deux chez les plus jeunes : 15 % chez les 5-9 ans et 11 % chez les 1-4 ans. Chez les bébés (moins de 1 an), la situation est particulière. Ils représentent 11 % des cas. C’est une population fragile en raison de leur très jeune âge comme le sont, à l’autre bout du spectre, les personnes âgées.
Perrine Vennetier