Dans une tribune, 73 médecins et 6 sociétés savantes appellent à prescrire de la vitamine D à toute la population. Ils espèrent ainsi réduire le risque de contracter le Covid-19 et la survenue de formes graves. Si cette suggestion est bien intentionnée, elle ne s’appuie pas sur des preuves solides.
De la vitamine D pour prévenir le Covid-19 : c’est ce que proposent 73 médecins spécialistes, soutenus par 6 sociétés savantes. Dans un appel, doublé d’un article de consensus (1), ils prônent la prescription généralisée de vitamine D en complément du respect des mesures barrières et de la vaccination. Ils l’assurent, les preuves en faveur de cette approche sont nombreuses. Une affirmation à prendre avec prudence.
Que proposent ces médecins ?
Les 73 médecins qui signent cet appel sont présentés dans un communiqué (2) comme « experts francophones (en grande majorité des professeurs d’université de différentes spécialités médicales) ». Ils exercent majoritairement en gériatrie, pédiatrie, gynécologie, endocrinologie ou encore néphrologie. Le premier auteur est aussi spécialiste de la vitamine D et coordonne un essai clinique qui consiste à donner cette hormone à des personnes âgées infectées par le Covid-19.
Ces experts présentent la vitamine D comme un « adjuvant utile ». Selon eux, elle devrait être utilisée en prévention du Covid-19 mais surtout des formes graves de la maladie. Ils avancent plusieurs explications à cette conclusion : cette hormone joue un rôle dans le fonctionnement du système immunitaire, 40 à 50 % de la population française est en insuffisance de vitamine D et plusieurs études ont montré que les personnes à risque d’insuffisance sont aussi à risque de formes graves…
Quelles sont les preuves ?
En réalité, ces arguments ne reposent pas sur des données sûres. Les auteurs de cet appel le reconnaissent eux-mêmes, « il n’existe pas encore de preuves indiscutables » de l’efficacité de la vitamine D et les essais cliniques sont encore en cours. Ceux menés sur d’autres infections ont livré des résultats contradictoires.
Les nombreux travaux cités par ces experts sont, le plus souvent, des articles de consensus et des études non expérimentales. « Les données proviennent essentiellement d’études qui ont observé une association entre de faibles taux de vitamine D et la survenue d’infections, explique le Dr François Maignen, docteur en pharmacie et statisticien spécialisé en santé publique. Ce type d’association ne permet en aucun cas de conclure à une quelconque efficacité de ce produit dans le traitement ou la prévention des infections au SARS-CoV-2. » En période de pandémie, « il est beaucoup plus utile d’avoir des données expérimentales, issues d’essais cliniques, plutôt que des avis d’experts », ajoute le Dr Maignen.
À en croire les 73 experts, les connaissances sur la vitamine D – et son action sur le système immunitaire – seraient suffisantes pour la prescrire dans le traitement ou la prévention de l’infection à coronavirus. Mais à ce jour, elle « n’a jamais été proposée en infectiologie », souligne le Pr Jean-Paul Stahl, professeur émérite de maladies infectieuses. La découverte de cette hormone, en 1920, a occasionné de nombreuses expériences, rarement conclusives.
Faut-il prendre de la vitamine D pour prévenir ou traiter le Covid-19 ?
La Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT) est limpide : les preuves sont insuffisantes. « Une supplémentation systématique en vitamine D n’est pas recommandée pour se protéger du Covid-19 », écrit-elle (3). Aux États-Unis et au Royaume-Uni, les autorités sanitaires sont du même avis. L’Académie de médecine elle-même distingue les patients âgés et le reste de la population. Dans le premier cas seulement, elle conseille une supplémentation une fois le Covid-19 diagnostiqué, afin d’éviter des formes graves.
« Il me semble prématuré, inutile, voire dangereux de recommander son utilisation dans cette indication », conclut le Dr François Maignen. Il faudra attendre les résultats des essais cliniques, encore en cours, pour statuer sur ce point. De fait, si la vitamine D est décrite comme sans risque, ça n’est pas le cas. Elle n’est pas évacuée dans les urines, un risque de surdosage existe donc. Le risque est de développer une hypercalcémie ou des calculs rénaux. Sa prise doit donc être recommandée et suivie par un médecin.
Vitamine D : évitez les compléments alimentaires
La vitamine D est recommandée en prévention du rachitisme chez l’enfant, jusqu’à 18 ans. Elle doit tout de même être prise avec prudence. Plusieurs cas de surdosage ont été signalés chez de jeunes enfants, indique l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). En cause, des compléments alimentaires parfois très concentrés en vitamine D et pas toujours adaptés aux enfants. Les produits disponibles présentent des concentrations variables, ce qui augmente le risque d’erreur de dosage. Les parents doivent donc privilégier les médicaments et vérifier que les doses délivrées correspondent à celles conseillées par le médecin.