Un mois après son alerte1 sur la distribution irresponsable des crédits à la consommation, l’UFC-Que Choisir rend publique, dans son prolongement, une étude2 qui lève le voile sur une sombre facette du marché des crédits « pourris » : les pratiques scandaleuses – parfois proches du harcèlement – des sociétés de recouvrement. Alors que la déflagration des impayés en 2021 mettra plus que jamais les consommateurs aux prises avec ces sociétés, l’association exhorte les législateurs européens à mettre au pas les pratiques délétères du secteur. Dans cette attente, elle met à la disposition des consommateurs des outils pratiques pour les aider à faire valoir leurs droits.
2021 : l’année de tous les dangers pour les emprunteurs
A la veille d’une flambée du chômage qui va dégrader le budget de nombreux ménages, certains établissements de crédit, bien décidés à tirer profit de la crise, n’ont rien trouvé de mieux que de ressusciter les publicités « pousse-au-crime » pour inciter à souscrire des crédits à la consommation. A rebours des promesses du crédit indolore, les impayés sont pourtant bien réels puisqu’ils atteignent déjà 22 milliards d’euros, tous crédits confondus en 2020 (1700 euros par ménage emprunteur).
Alors qu’on attendrait d’une saine réglementation européenne qu’elle impose aux banques de proposer à leurs clients fragilisés des restructurations (allongement du terme, baisse de taux, etc.), la Commission européenne se fourvoie totalement. En pleine tempête, son « plan d’action » présenté en décembre aboutit a contrario à aider les banques à se débarrasser des crédits impayés à des tiers, principalement à des sociétés de recouvrement.
Crédits impayés : un juteux marché pour les sociétés de recouvrement
Pour les sociétés de recouvrement, l’institution de la Bourse des crédits « pourris » annonce un nouvel eldorado. En effet, dans ce marché estimé à près de 7 milliards d’euros en 2021, ces sociétés engrangent des bénéfices bruts mirobolants (100 % de marge en moyenne, d’après la profession elle-même).
La mécanique permettant aux sociétés de recouvrement de transformer rapidement le plomb pour la banque des crédits impayés des consommateurs en or à leur profit est simple. Dans un premier temps, elles rachètent à vil prix des créances jugées irrécouvrables par les banques et dont certaines ne peuvent même plus être réclamées en justice (justificatifs perdus, dettes éteintes, etc.). Dans un second temps, elles font le forcing pour en récupérer le paiement en totalité auprès des consommateurs.
Cette mécanique est doublement scandaleuse. En premier lieu car elle s’impose aux emprunteurs, les banques étant libres de revendre à leur guise leurs créances sans même avoir à les en informer. En second lieu, car elle offre ces clients en pâture à des sociétés de recouvrement sans grande foi ni loi, au point que les organisations professionnelles se sentent obligées de leur indiquer, dans des codes de bonne conduite, la nécessité d’agir dans le « respect », la « non-agressivité » ou encore sans « usurper l’identité d’autrui ». Préconisations sonnant comme un aveu et bien peu rassurantes.
Les pratiques délétères des sociétés de recouvrement
L’UFC-Que Choisir s’alarme de la flambée des signalements sur les méthodes délétères des sociétés de recouvrement (+ 15 % depuis un an) enregistrés par ses associations locales. L’analyse de près de 400 dossiers met ainsi en évidence des pratiques agressives (un signalement sur deux). Les débiteurs témoignent qu’ils sont ainsi que leurs proches contactés quasi quotidiennement durant des mois. A ce harcèlement téléphonique s’ajoutent d’honteuses pressions (ton menaçant, culpabilisation, chantage à la délation aux voisins, etc.) savamment orchestrées par les professionnels.
Au-delà de ces méthodes, il est notable que dans 60 % des litiges, les consommateurs ont affaire aux stratégies opaques des sociétés de recouvrement. En effet, il leur est souvent impossible d’accéder aux documents justifiant la créance et son montant. S’ajoutent à cela des propositions de paiements échelonnés ou des « remises » qui, sans que les consommateurs en soit informés, ont pour effet de ressusciter des dettes éteintes.
Que dire enfin des dossiers (14 %) où les signalements portent sur des dettes « fantômes » qui ne semblent tout simplement plus dues. C’est le cas notamment des crédits dont l’existence ne peut pas être démontrée ou qui ont déjà été remboursés, en particulier dans le cadre d’un plan de redressement élaboré par une commission de surendettement.
Déterminée à mettre un terme aux pratiques délétères des sociétés de recouvrement, et mobilisée au côté des consommateurs durant la crise économique, l’UFC-Que Choisir :
- Met à disposition un dossier complet de décryptage du secteur nébuleux des sociétés de recouvrement ainsi qu’un arbre décisionnel d’aide quant à la conduite à tenir ;
- Rappelle que son réseau d’associations locales peut les accompagner.
Parallèlement, au vu des dangers portés par le projet de la Commission européenne, l’association demande aux législateurs européens :
- L’interdiction de la vente par les banques et de l’achat par les sociétés de recouvrement des crédits « fantômes » dont la validité ne peut être démontrée ;
- Avant la vente d’un crédit, l’instauration d’une information à destination de l’emprunteur comprenant l’envoi par la banque d’un solde de tout compte ainsi que des conditions lui permettant, s’il le souhaite, de racheter la créance qu’elle veut céder ;
- Après la vente d’un crédit, un strict encadrement des sollicitations de la société de recouvrement l’ayant acquis (courrier, téléphone, etc.).
Enfin, pour enrayer en amont la mécanique toxique du marché des crédits « pourris », prévenir les impayés et tarir le marché malsain des sociétés de recouvrement, l’association rappelle qu’elle demande que les banques aient l’obligation de proposer une mesure de restructuration dès le deuxième incident de remboursement et, en tout état de cause, avant la vente d’un crédit impayé.