Notre test montrant que les masques chirurgicaux peuvent être lavés en machine sans perdre leurs capacités de filtration a eu beaucoup de succès, mais suscité aussi des interrogations. Nos réponses aux questions les plus fréquentes.
Comment pouvez-vous tirer des conclusions à partir d’un échantillon restreint de trois masques ?
La difficulté avec les masques chirurgicaux tient aux variations et à l’opacité du marché. L’approvisionnement change sans arrêt, impossible d’identifier des modèles précis dans le commerce ! Nous en aurions testés 20 ou 30 que nous n’aurions pas été plus représentatifs… Notre test se voulait un coup de sonde, et l’homogénéité des résultats nous permet de présumer que la plupart des masques chirurgicaux, fabriqués selon le même process, en trois couches avec du polypropylène, se comportent de façon similaire. En outre, nos résultats convergent avec ceux de l’École nationale supérieure des Arts et Industries textiles (ENSAIT) de Roubaix, et ceux d’un consortium scientifique emmené par des universitaires grenoblois.
Les autorités persistent à dire que les masques doivent être jetés après usage, il y a bien une raison ?
Suite à notre publication, la Direction générale de la santé (DGS) ne s’est pas mouillée : elle a déclaré s’en tenir à l’avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) qui réserve les masques chirurgicaux aux personnels de santé et recommande, dans ce cadre, de ne pas les réutiliser. C’est logique, puisqu’en milieu de soin, un lavage n’est pas suffisant. Étant donné la charge bactérienne environnante, une phase de désinfection du masque est indispensable. Selon la DGS, des tests seraient en cours. Mais notre démarche est différente, et appelle une autre approche : elle part du constat que les masques chirurgicaux sont utilisés par la population, pour un usage similaire à ceux des masques tissu. Nous les avons donc logiquement soumis au même test.
Les professionnels de santé ne lavent pas leur masque, mais le jettent. Vos résultats sont-ils sérieux ?
L’un n’empêche pas l’autre ! À l’hôpital ou dans un cabinet médical, l’air ambiant est autrement plus contaminant qu’au supermarché, chez nous ou dans la rue ! Et il n’y a pas que SARS-CoV-2, d’autres bactéries très résistantes peuvent être présentes. Il est donc normal qu’un lavage en machine ne suffise pas. Une phase de désinfection est nécessaire et pour le moment, aucune solution satisfaisante n’a été trouvée. En population, ce sont les masque tissu lavables qui sont recommandés, et ils peuvent être réutilisés après passage au lave-linge, l’eau chaude, le détergent et le mouvement étant jugés suffisants pour éliminer le coronavirus. Nous partons du principe que le raisonnement est valable pour les masques chirurgicaux, à condition qu’ils conservent leurs capacités de filtration et leur respirabilité, ce que nous avons démontré.
En lavant les masques chirurgicaux, ne relargue-t-on pas des microplastiques dans les eaux de rinçage ?
C’est possible, mais nous n’avons pas réalisé cette mesure. A contrario, le lavage a l’avantage de réduire la production des masques, donc la création de déchets… Il faudrait faire une balance écologique. La question se pose aussi pour les masques tissu : ils ne sont pas toujours 100 % coton, ils peuvent donc contenir des fibres synthétiques susceptibles de polluer les eaux usées.
À Que Choisir, êtes-vous équipés pour réaliser ce genre de tests ?
Que Choisir s’appuie, pour l’ensemble de ses tests, sur des laboratoires spécialisés et indépendants, mandatés sur la base d’un protocole établi par nos ingénieurs. Les laboratoires que nous mobilisons sont équipés de l’appareillage nécessaire, et disposent de personnels qualifiés et au fait des normes applicables. Pour les masques tissu comme pour les masques chirurgicaux, dont nous avons testé les capacités de filtration et de respirabilité selon le même protocole, nous avons eu recours à l’un des laboratoires reconnus répertoriés ici :
https://www.entreprises.gouv.fr/fr/covid-19/entreprises-comment-faire-tester-masques. Nous ne citons pas le nom de notre laboratoire pour lui éviter toute pression. Nous seuls répondons de nos résultats.
Le passage au sèche-linge est-il obligatoire ?
Nous avons testé les masques chirurgicaux en comparaison avec les masques tissu, nous nous devions d’appliquer strictement le protocole Afnor. En l’absence de sèche-linge, un masque chirurgical peut tout de même être lavé, à condition que le séchage soit rapide, pour éviter le développement de moisissures.
Pourquoi ne publiez-vous pas les rapports complets comme sont tenus de le faire les fabricants de masques grand public ?
Nous ne sommes en aucun cas des fabricants de masques grand public, mais un organe d’information sur les produits de consommation courante que sont devenus les masques, chirurgicaux ou tissu. Nous ne sommes pas soumis à l’obligation de mettre nos rapports de test à disposition. Toutefois, toutes les informations que nous avons tirées de nos essais sont fidèlement retranscrites dans les tableaux que nous avons publiés.
En quoi sont fait les masques testés ?
La matière utilisée pour les fabriquer n’était pas précisée sur les emballages des modèles testés. Mais les masques sélectionnés sont tous formés de 3 couches, et on peut supposer qu’ils sont en non-tissé de polypropylène.
Les masques ont-ils été portés entre chaque lavage ?
Dans un souci de rapidité de publication et de maîtrise des coûts, les masques ne sont pas portés après chaque lavage. Le lavage et le séchage créent déjà une usure. Un test en « vie réelle » a été envisagé par des chercheurs mais le protocole a été rejeté par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Pourquoi laver à 60 °C, quand les nouvelles recommandations autorisent un lavage à la main, ou en machine à 40 °C ?
Nous avons appliqué les directives de l’Afnor et la note interministérielle qui conseillent un lavage à 60 °C avec de la lessive, pendant au moins 30 minutes. Cela sollicite davantage les fibres des masques. Pour le repassage, le mode doux choisi correspond au réglage « un point » sur le fer, soit environ 120 °C. Au-delà, le polypropylène risque de fondre.
Que se passe-t-il après 10 lavages ?
Nous ne le savons pas, car nos essais se sont arrêtés à 10 lavages pour des raisons de délais et de coûts (ces tests n’étaient pas au budget, car nous n’avions pas prévu la pandémie). Il n’est pas exclu que les masques résistent encore à de nombreux lavages, mais nous n’avons pas les données pour l’affirmer.
Pourquoi avoir attendu pour faire les tests ?
D’une part, les masques chirurgicaux ont longtemps été en rupture de stock. D’autre part, il nous a fallu débloquer un budget pour réaliser ce test qui n’était pas à notre programme. Ce n’est jamais simple, d’autant que nous avons pris le risque d’avoir un test non concluant. C’était un test innovant avec un mini-budget, et nous sommes les premiers à publier sur le sujet.
Pourquoi réutiliser un dispositif à usage unique, quand il existe des masques spécifiquement conçus pour être réutilisés ?
Les masques chirurgicaux sont moins chers à l’unité. Une fois établi qu’ils sont lavables, ils acquièrent un véritable avantage sur les masques tissu, plus coûteux, et en général moins respirables.