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Remboursement de vols annulés • Des compagnies aériennes bafouent la réglementation

Les annulations de vols consécutives à l’épidémie de Covid-19 auraient dû entraîner, pour les consommateurs, le remboursement de leurs billets dans les 7 jours. Mais de nombreuses compagnies aériennes ont décidé de ne pas appliquer la réglementation. Une stratégie injuste pour celles qui respectent la loi et pour les consommateurs.

Quels sont les droits des passagers en cas de vol annulé ? En théorie, c’est simple : le consommateur doit être remboursé dans les 7 jours. C’est ce que prévoit le règlement européen 261/2004. Les compagnies sont tenues de rembourser en espèces ou par tout autre moyen de paiement (chèque, virement bancaire, etc.) : elles ne peuvent délivrer un avoir ou un bon d’achat qu’avec l’accord écrit du passager.

L’épidémie de Covid-19 a cloué au sol 90 % du trafic aérien, entraînant des annulations de vols à la chaîne. Mais tous n’ont pas donné lieu à remboursement, loin de là. Une majorité de compagnies aériennes ont pris la décision de ne pas appliquer la réglementation ! Elles ont choisi de ne proposer que des avoirs à leurs clients. Certaines sont même allées jusqu’à supprimer de leur site internet la procédure pour demander un remboursement. L’agence de voyage Bourse des vols a compilé une liste non exhaustive – repérée par Air-Journal.com – des transporteurs qui respectent la réglementation. Ils sont rares. Citons la low cost Ryanair, qui rembourse ses clients, mais aussi, en ce qui concerne les compagnies européennes : Air Malta, British Airways, Finnair et Iberia. Les compagnies françaises, dont Air France, Air Caraïbes, Corsair et Transavia, font de leur côté partie des mauvais élèves qui refusent le remboursement et émettent des avoirs.

La situation économique des compagnies aériennes est difficile, c’est un fait. Le volume de billets à rembourser est estimé à 32 milliards d’euros. On ne peut néanmoins que regretter que certaines aient choisi de ne pas respecter la législation. Et que les autorités compétentes restent muettes sur ce sujet, à l’image, en France, de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), normalement chargée de faire respecter le règlement européen.

Bras de fer entre les compagnies aériennes, les États et la Commission européenne

En cette période de crise, et alors que de nombreux passagers se tournent vers l’UFC-Que Choisir pour tenter de comprendre pourquoi ils ne sont pas remboursés, la cacophonie règne au niveau des états-majors. « On va proposer, notamment à l’Union européenne, le choix d’un avoir ou d’un remboursement, mais ce remboursement se ferait plutôt à la fin de l’année », a expliqué mercredi 8 avril sur France info Alexandre de Juniac, président-directeur général de l’Association internationale du transport aérien (Iata). Le même jour sur LCI, Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État aux Transports, annonçait : « Nous travaillons à mettre en place des avoirs valides jusqu’à la fin de l’année 2021. » Or la France ne peut pas prendre cette décision seule : le remboursement des billets est régi par un règlement européen, et seule la Commission européenne peut déroger à un tel texte. La situation est différente avec une directive, que les États peuvent amender. C’est d’ailleurs pour cela que la France a pu autoriser les voyagistes à émettre des avoirs. Ce point de droit n’a pas empêché l’Allemagne et l’Italie d’aller à l’encontre des règles européennes en autorisant l’émission d’avoirs pour les compagnies aériennes… Une coalition d’États s’est jointe, à Bruxelles, aux compagnies aériennes pour demander une dérogation au règlement européen, sans succès pour l’instant : la Commission reste ferme sur ce sujet. L’attitude des compagnies aériennes en début de crise, lorsqu’elles ont augmenté fortement leurs tarifs, pourrait ne pas être étrangère à cette inflexibilité…

Pourquoi les consommateurs ne doivent pas être oubliés

Imposer des avoirs aux consommateurs n’est pas acceptable, pour plusieurs raisons. Le règlement européen permet déjà aux compagnies de proposer des avoirs à leurs clients, si ceux-ci sont d’accord. Rien n’empêche donc les transporteurs de rendre ces avoirs plus attractifs (bonification, surclassement, validité élargie aux autres compagnies de l’alliance, etc.) pour les inciter à les choisir plutôt qu’un remboursement. C’est la position de l’UFC-Que Choisir : à défaut d’un changement de la réglementation, que les règles actuelles soient rappelées par les autorités et appliquées par les transporteurs.

De plus, en raison de la situation financière qui va être fragilisée par la crise économique due au Covid-19, nombre de clients préféreraient légitimement récupérer leur argent plutôt que de tabler sur un hypothétique voyage dans les mois à venir. En outre, le caractère substituable d’un vol n’est pas garanti : après la crise, rien n’assure à un passager que la compagnie auprès de laquelle il dispose d’un avoir continuera de desservir les destinations qui l’intéressent. Plusieurs d’entre elles ont déjà annoncé que leur plan de vol serait perturbé ou modifié dans les mois à venir. Enfin, avec un avoir, le passager ne pourra pas se faire rembourser en cas de défaillance de la compagnie aérienne. La députée Pascale Fontenel-Personne (apparentée LREM) a lancé une initiative visant à la création d’un fonds de garantie dans l’aérien, mais celui-ci ne verra vraisemblablement pas le jour dans les mois à venir.

Une mauvaise habitude des compagnies

Depuis des années, les compagnies aériennes ont rechigné à appliquer la réglementation européenne, en oubliant d’informer les passagers de leurs droits ou en invoquant des circonstances exceptionnelles fantômes pour ne pas les indemniser. Une étude menée en 2017 auprès de 11 000 passagers par 7 associations de consommateurs au niveau mondial avait montré que dans 75 % des cas, les voyageurs ayant été victimes d’un retard de plus de 3 h n’avaient pas reçu de remboursement ou d’indemnisation. Cet argent, gardé par les compagnies, aurait pu servir aujourd’hui à rembourser les passagers lésés.

Morgan Bourven

morganBrv

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