Suite au retrait récent de milliers de produits contaminés par un pesticide toxique, un rapport d’information, adopté en commission des affaires économiques du Sénat, dresse un portrait accablant du système de contrôle sanitaire des aliments importés.
« Des contrôles des denrées alimentaires importées défaillants. » Voilà une des principales conclusions dressées par un rapport sénatorial sur le retrait de très nombreux produits au sésame contaminés à l’oxyde d’éthylène, que nous révélions dès novembre dernier. Rédigé par le sénateur Les Républicains Laurent Duplomb, ce texte suggère l’existence d’un problème systémique dans les contrôles de la sécurité des aliments, allant bien au-delà de la seule question des graines de sésame.
Les nouveaux chiffres présentés dans ce rapport, concernant l’ampleur de ce dernier scandale alimentaire, et la durée pendant laquelle la fraude est passée inaperçue, sont accablants. Alors que notre propre enquête avait déjà permis de remonter à des produits mis sur le marché en février 2020, le travail des services de répression des fraudes a permis de remonter jusqu’en 2018 ! Au moins deux ans se sont donc écoulés pendant lesquels des graines de sésame contaminées à l’oxyde d’éthylène, une substance interdite car reconnue comme cancérogène et toxique pour la reproduction, ont pu être commercialisées et consommées.
D’autres produits concernés
Une durée d’aveuglement d’autant moins justifiable que la fréquence des contaminations s’est révélée extrêmement élevée : sur les lots indiens contrôlés aux frontières de la France depuis le début de la crise, la moitié présentaient des anomalies, révèle le rapport. Et le problème ne se limite ni à l’Inde, ni aux graines de sésame. Le réseau d’alerte européen (RASFF) fait à présent état de contaminations retrouvées dans de l’amarante (une plante dont on peut consommer les graines), des mélanges d’épices, du psyllium (une espèce de plantain) et des échalotes séchées. Des lots de graines de sésame en provenance du Vietnam, de Chine, de Jordanie, du Burkina Faso, d’Éthiopie, de Bolivie et du Paraguay se sont également révélés contaminés (un index des produits concernés est régulièrement mis à jour sur le site de la DGCCRF). L’enquête étant toujours en cours, « la liste va probablement encore s’allonger dans les semaines à venir », nous prédit Laurent Duplomb.
900 substances presque jamais contrôlées
Comment les autorités et les industriels ont-ils pu passer à côté d’une contamination d’une telle ampleur ? Le rapport l’explique par la quantité insuffisante des contrôles réalisés, mais aussi par la nature de ces derniers. En particulier, sur près de 1 500 substances actives recensées par les autorités, « plus de 900 ne sont presque jamais contrôlées par les autorités sanitaires », peut-on lire. Des substances non analysées car jugées à faible risque de contamination… parfois à tort, comme le démontre crûment l’affaire du sésame contaminé. Cette frugalité analytique permettrait cependant de substantielles économies : le rapport dénombre, en Europe, « un ratio de seulement 50 centimes d’euro de contrôles pour 1 000 euros de denrées importées ».
Rappels de produits : les surprenants chiffres de la DGCCRF
Les services de la répression des fraudes (DGCCRF) cités dans le rapport estiment que « les procédures de retrait-rappel ont été globalement bien suivies par les professionnels ». Sur 14 000 contrôles effectués dans divers points de vente, seuls 2 % auraient amené à constater des anomalies, dont la plupart auraient été des problèmes « légers » tels que l’absence d’affichage de la liste des produits rappelés. Un taux très rassurant… en total contraste avec nos propres observations : sur 7 magasins visités par nos soins en novembre dernier, au moins 2 n’affichaient pas les produits au rappel et 3 vendaient encore des produits qui auraient dû être retirés. Soit nous n’avons vraiment pas eu de chance… soit notre méthodologie diffère profondément de celle de la DGCCRF. Interrogée, cette dernière n’a pas souhaité commenter.