Présents dans des soupes, lardons ou encore plats préparés, les arômes de fumée, récemment reconnus dangereux pour la santé, ne sont toujours pas interdits. Des études suggéraient pourtant un risque il y a… 15 ans déjà.
Allez, avouez : cet hiver, vous avez sûrement cédé à l’appel de la tartiflette ou de la flammekueche ? Peut-être même anticipez-vous déjà, à l’approche du printemps, vos prochains apéros avec chips, saucisses et sauce barbecue ? Las, il nous faut vous avertir : au-delà du déséquilibre nutritionnel évident, ces produits sont susceptibles de contenir des arômes de fumée. Or, ces substances fabriquées par liquéfaction de fumée de bois seraient capables d’induire des « dommages dans le matériel génétique », ce qui pourrait « augmenter le risque de développer des pathologies comme le cancer ou des maladies héréditaires ». C’est l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) qui, en novembre dernier, a révélé ce risque génotoxique. Heureusement, les consommateurs français devraient bientôt en être protégés. « La Commission européenne a l’intention de rejeter le renouvellement des autorisations de ces arômes », assure Stefan De Keersmaecker, un des porte-parole de l’institution, avant de préciser que cette décision pourrait entrer en vigueur dès le mois de mars. Ce qui signifierait, si l’on en croit l’un des fabricants interrogés, que l’Europe deviendrait le premier marché au monde à voir ces produits interdits.
Cette petite histoire vous convainc de la parfaite gestion des risques sanitaires sur le Vieux Continent ? Alors autant vous prévenir, elle ne s’arrête pas là. Ou plutôt, elle ne commence pas là… Car il y a 15 ans, l’Efsa publiait ses premières évaluations du risque lié aux arômes de fumée. Les conclusions étaient alors suffisamment favorables pour donner à la Commission européenne la possibilité de prolonger leur autorisation de mise sur le marché jusqu’à aujourd’hui.
« Écarter toute inquiétude »
Pourtant, à l’époque, les données à la disposition des experts semblaient déjà peu rassurantes. Pour chacun des 10 arômes évalués, seule une poignée d’études – fournies par les fabricants eux-mêmes – étaient disponibles. Et, à chaque fois, se trouvaient parmi elles un à trois tests in vitro (dans des éprouvettes) révélant un effet génotoxique… Si les agents de l’Efsa ont jugé pouvoir « écarter toute inquiétude concernant la génotoxicité », c’est donc uniquement parce qu’une ou deux expériences menées sur des animaux n’observaient pas, elles, d’action néfaste sur l’ADN. « Ils n’ont, sur ce plan, sans doute pas été assez précautionneux », réagit Robert Barouki, médecin et directeur d’une unité de recherche en toxicologie moléculaire à l’Inserm (1) et à l’université Paris-Cité. Pour lui, « une à trois études in vitro montrant un risque génotoxique constituent une alerte sérieuse ». De plus, les dossiers ne contenaient aucune analyse d’éventuels effets néfastes sur la fertilité ou le fœtus, ni aucune expérience visant à déterminer les effets d’une exposition à long terme à ces arômes. Cela n’avait pas empêché l’Efsa de conclure, dans certains cas, à une « absence de risque notable » et, dans les autres, à la seule nécessité de diminuer les doses autorisées. « Ce raisonnement n’était pas correct, juge le Pr Barouki, car les effets sur le fœtus ou après une durée d’exposition plus longue peuvent se produire à des doses faibles. On ne peut pas écarter un risque si on ne l’étudie pas ! »