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Crise – Votre banque peut-elle se servir sur vos comptes en cas de difficultés ?

Si votre banque venait à mettre un genou à terre en raison de graves difficultés, qu’adviendrait-il de l’argent que vous lui avez confié ? Un mécanisme prévoit que les comptes des particuliers peuvent être ponctionnés pour son renflouement à partir d’un certain seuil. Mais qui est concerné et dans quelles circonstances ?

 

Après une année 2020 marquée par la pire récession enregistrée depuis la Seconde Guerre mondiale – et près de trois fois plus grave que celle engendrée par la débâcle financière de 2008 – les banques françaises sont-elles suffisamment solides pour résister aux conséquences économiques de la crise sanitaire ? L’argent que nous leur confions est-il complètement à l’abri ? Et qu’est-il prévu si le pire devait arriver ? Ces questions peuvent traverser les esprits alors que les prévisions économiques n’incitent pas à l’optimisme. L’occasion de faire le point sur ce qui est prévu si un acteur bancaire venait à dérailler.

Pouvez-vous être contraint de participer au sauvetage de votre banque ?

Oui. Mais seuls les clients (particuliers, indépendants, petites et moyennes entreprises) détenant plus de 100 000 € dans une banque ou une entreprise d’investissement qui vacillerait peuvent être mis à contribution. Ils participeraient alors à son renflouement interne, appelé « bail in ». Cette solution a remplacé le « bail out », ou renflouement externe. « Lorsqu’une banque faisait face à des difficultés significatives, comme à la suite de la crise financière de 2008-2009, l’État intervenait pour la renflouer, ce qui revenait à mobiliser l’argent des contribuables pour la sauver », explique Romain Rard, avocat aux barreaux de Paris et Bruxelles pour le cabinet Gide Loyrette Nouel.

Pourquoi les règles ont-elles été modifiées ?

Le système a changé depuis l’adoption de deux textes européens (directive du 15 mai 2014 et règlement du 15 juillet 2014), appliqués en France depuis le 1er janvier 2016. « Ces cadres juridiques portent sur la résolution bancaire, c’est-à-dire le traitement administratif des difficultés financières des établissements », précise Thierry Bonneau, professeur de droit bancaire et financier à l’université Paris II Panthéon-Assas. « La résolution, qui revient à faire des déposants les assureurs-vie des banques, consiste essentiellement à éponger les pertes financières et éviter la propagation de la faillite à tout le système bancaire », complète Laurent Denis, avocat expert de l’intermédiation bancaire et en assurance chez Endroit Avocat. « Attention, il faut bien la distinguer de la garantie des dépôts, opérée par le Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR), et déclenchée en cas de faillite », précise Thierry Bonneau (voir encadré).

Les « petits » déposants sont-ils sollicités en premier lieu ?

Non, ils bénéficient d’un traitement préférentiel. Une hiérarchie a été définie : les actionnaires (y compris les particuliers qui détiennent des titres de la banque), puis certains créanciers seront les premiers à devoir supporter les pertes de leur banque, jusqu’à 8 % de son passif. Une recapitalisation par un fonds de résolution unique (FRU), abondé par toutes les banques européennes peut ensuite intervenir à hauteur de 5 % du passif, mais elle est facultative. « Le traitement préférentiel qui concerne notamment les comptes des particuliers signifie que ceux-ci ne seront affectés qu’en tout dernier recours. Mais en réalité, les dépôts peuvent être ponctionnés dès que 92 % ou 87 % seulement du passif est épongé », souligne Laurent Denis.

Tous les établissements sont-ils concernés ?

Grandes ou petites, toutes les banques et entreprises d’investissement qui se retrouveraient en graves difficultés peuvent être soumises à ce mécanisme. « En revanche, les sociétés de gestion de portefeuille et les entreprises d’assurance, qui détiennent notamment les contrats d’assurance vie souscrits via un réseau bancaire, ne sont pas concernées », détaille Laurent Denis. Seul change le décisionnaire. « Une dizaine d’établissements bancaires français sont placés directement sous la houlette de la Banque centrale européenne (BCE) et donc du Conseil de résolution unique européen », détaille Thierry Bonneau. Parmi elles figurent BNP Paribas, la Société générale, le Crédit agricole… soit des banques dites « systémiques », dont la faillite déclencherait une réaction en chaîne au niveau mondial. Quant aux petits établissements, c’est le collège de résolution de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), le gendarme français des banques, qui doit prendre la décision. Dans tous les cas, si le pire devait arriver « la balle serait dans le camp des superviseurs en charge de la résolution qui poursuivront l’objectif d’une incidence minimale pour les contribuables et sur l’économie réelle et devront faire preuve de transparence pour expliquer sur la base de quels critères ils seraient amenés à choisir la résolution, et de quelle manière celle-ci serait mise en œuvre », note Romain Rard.

À quel moment la résolution peut-elle être déclenchée ?

« Un certain nombre de critères doivent être réunis, l’idée étant que les difficultés de la banque soient telles que les procédures judiciaires classiques (redressement ou liquidation judiciaire) ne permettent pas de les traiter rapidement sans perturber l’économie réelle », explique Thierry Bonneau. Mais avant d’en arriver au renflouement interne et à la ponction des comptes des déposants, d’autres leviers peuvent être activés pour tenter de sauver les meubles. « Pour une banque qui subit de fortes tensions financières, la meilleure manière de procéder est d’anticiper et d’intervenir en amont avec un plan préventif de rétablissement, par exemple en renforçant ses fonds propres, par des levées de capitaux sur les marchés ou à travers des ajustements dans la gestion de ses actifs », analyse Romain Rard. Si elle n’arrive pas à trouver les liquidités nécessaires, les superviseurs bancaires, qui prennent alors la main, peuvent aussi activer plusieurs outils de résolution : vente des activités, intervention d’un établissement relais ou encore séparation des actifs, ce qui conduirait à la création d’une « bad bank » (banque poubelle) où seront concentrés tous les actifs pourris. « Une solution que la France a expérimentée grandeur nature avec le Crédit lyonnais il y a 28 ans », rappelle Laurent Denis.

L’Autorité de régulation européenne vient de lancer un stress-test géant sur 50 banques européennes pour évaluer leur résistance à un scénario-choc : une crise sanitaire qui se prolongerait jusqu’en 2023 avec un cortège de mauvais chiffres économiques (chute du PIB, explosion des dettes des États, défaillances des crédits aux entreprises et aux particuliers, hausse du chômage…). Les résultats sont attendus pour le 31 juillet 2021.

Ce mécanisme serait-il suffisant aujourd’hui ?

Si depuis la dernière crise financière, le cadre juridique et règlementaire pour gérer les défaillances des banques a été renforcé, il est impossible de jauger de l’efficacité du mécanisme de résolution s’il devait être mis en œuvre. « Aucune information ni aucune statistique d’ensemble n’est publiée sur ce point essentiel, soulève Laurent Denis. Par exemple, on ne sait pas ce que donnerait ce système face à la crise de 2008. » Et Thierry Bonneau de s’interroger : « Est-ce que la production de règles non maîtrisées n’est-elle pas en soi systémique ? La résolution étant l’exemple typique de règles qui peuvent le devenir, car elles impliquent que les autorités s’ingèrent dans le fonctionnement des groupes bancaires et qu’elles prennent des risques, ce qui est incompatible avec la liberté du commerce et de l’industrie. »

A-t-il déjà été éprouvé ?

Depuis 2016, la résolution n’a été déclenchée qu’une seule fois, pour la banque espagnole Banco Popular (4 millions de clients), finalement rachetée par sa concurrente Santander pour un euro symbolique et sans que les dépôts des particuliers supérieurs n’aient été touchés. À l’inverse, en Italie, pour les banques Monte dei Paschi di Siena (recapitalisée à hauteur de 4,3 milliards d’euros), Veneto Banca et Banca Popolare di Vicenza (liquidées en 2017), c’est finalement l’État italien qui a mis la main à la poche. Une possibilité prévue dans le cadre de la règlementation qui prévoit qu’un « soutien public exceptionnel » reste possible pour éviter un dérèglement de l’économie et préserver la stabilité financière. Ce qui revient à dire qu’en cas de grave crise, le recours aux fonds publics, et donc à l’argent des contribuables, sera encore une fois la solution qui permettra de rétablir la sécurité du système bancaire…

Et pour des dépôts inférieurs à 100 000 € ?

Le Fonds de garantie des dépôts et résolution (FGDR) est censé indemniser les clients d’une banque en faillite. Ceci dans certaines limites qui s’entendent par déposant et par établissement.

  • 100 000 € pour les sommes détenues sur les comptes courants, comptes sur livret, les CEL et PEL, les livrets jeunes, les comptes à terme ou les espèces sur un compte titres (portés à 500 000 € pour les dépôts provisoires associés à une opération exceptionnelle : vente immobilière, héritage…).
  • 100 000 € pour l’épargne placée sur les livrets A, livrets bleus, livrets de développement durable et solidaire (LDDS) et livrets d’épargne ­populaire (LEP).
  • 70 000 € pour les actions, obligations, Sicav, FCPI, FCP et autres titres financiers détenus sur un compte titres ou un PEA.

Les assurances vie, de capitalisation ou les produits d’épargne retraite sont couverts par un mécanisme différent, opéré par le Fonds de garantie des assurances de personnes (FGAP). Il s’élève à 70 000 € par personne et par assureur.

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