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Label Haute valeur environnementale – Greenwashing de l’agriculture intensive ?

Le label Haute valeur environnementale (HVE), qui incite les agriculteurs à adopter des mesures favorables à l’environnement et la biodiversité, concurrence d’autant plus le bio qu’il n’est pas aussi exigeant.

Une pomme siglée Haute valeur environnementale (HVE), mais traitée par divers pesticides… N’y aurait-il pas un problème ? Le label HVE apparaît depuis quelques années sur des aliments et des vins. Né du Grenelle de l’environnement en 2008 et porté par les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique, il certifie des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement. Malgré ce blanc-seing officiel, il se fait régulièrement étriller. Ainsi, les associations France nature environnement (FNE) et Agir pour l’environnement, la Confédération paysanne et le Syndicat des transformateurs et distributeurs bio (Synabio) ont dénoncé, en décembre dernier, une « illusion de transition écologique », le qualifiant de « greenwashing massif » et de « tromperie » pour les consommateurs.

La Confédération paysanne est vent debout contre ce label, lui reprochant de concurrencer le bio et phagocyter des aides qui pourraient aller à des mesures agroécologiques plus ambitieuses. La loi de finances 2021, validée mi-décembre, confirme ces craintes : elle consacre à la HVE un budget global de 76 millions d’euros sous forme de crédit d’impôt aux exploitations (à hauteur de 2 500 € par an). Par ailleurs, les produits HVE font partie des aliments « durables et/ou de qualité », au même titre que le bio, les Labels rouges, les AOP et le local, exigés à hauteur de 50 % dans la restauration collective à partir de 2022 (loi Égalim).

Des pommes suremballées avec le label HVE.

France nature environnement, l’un des créateurs de la HVE, est plus nuancée, tout en constatant des « incohérences » problématiques. Ainsi, la certification s’obtient pour l’ensemble de la ferme (lieu de production), et non pour un produit, par un cumul de bons points sur divers items. Elle encourage à réduire les engrais et pesticides de synthèse, mais n’y oblige pas – il est donc possible de gagner des points par ailleurs. Résultat : un produit peut être estampillé HVE tout en étant aussi chimique qu’un conventionnel. « Il faudrait, a minima, que le produit étiqueté HVE soit issu des bonnes pratiques, réclame Arnaud Schwartz, président de FNE. Il y a des trous dans la raquette, en particulier sur les produits phytosanitaires et le bien-être animal. Il faut faire évoluer le cahier des charges. »

Logo commercial

Des critiques qui irritent passablement Laurent Brault, chargé de la promotion de ce label à l’Association nationale pour le développement et la certification HVE. « Si on s’intéresse aux pesticides, la promesse est assurée par le bio, tandis que la colonne vertébrale de la HVE, c’est la biodiversité », fait-il valoir. Sur son site, l’association explique que cette certification est « un levier pour valoriser financièrement la montée en gamme de l’agriculture française » face à des importations moins exigeantes. Elle emmène des agriculteurs qui ne peuvent – ou ne veulent – pas se conformer au cahier des charges bio, plus strict, vers des productions mieux valorisées que la base.

Or, c’est bien le problème : conçue comme une étape vers le bio, elle est devenue une fin en soi et un logo commercial – un moyen de rémunérer les efforts consentis – et plusieurs enseignes de la grande distribution s’y intéressent (Intermarché, Leclerc, Grand Frais…).

Les pesticides restent autorisés

Certes, le cahier des charges, dense, va globalement dans le bon sens. Mais il montre de grosses carences. S’il encourage une utilisation raisonnée des intrants et intègre des mesures destinées à préserver la biodiversité (maintien des haies, zones de jachère…) et à économiser les ressources en eau, il n’incite pas à changer de modèle de production, et les productions hors-sol (porcs, volailles, légumes sous serre…) restent autorisées. Surtout, les pesticides, y compris les plus nocifs, ne sont pas exclus ! La filière viticole, grande consommatrice de ces molécules, ne s’y est pas trompée : avec la HVE, elle peut afficher un logo vert sans bouleverser ses pratiques – même si certains viticulteurs ont évolué. Pour preuve, la vigne représente 82 % des 8 218 exploitations HVE ! Autrement dit, la HVE est « agriculture intensive-compatible ». D’ailleurs, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) la promeut activement.

Ce succès est aussi conjoncturel : d’aucuns y voient une opportunité pour mettre un coup de peinture verte sur leurs pratiques, à l’heure où l’Union européenne clame ses ambitions agroécologiques. La future Politique agricole commune, en cours de finalisation, en serait le cheval de Troie : une partie de l’enveloppe des aides aux agriculteurs sera destinée à financer la transition agroécologique – dans le cadre des futurs « éco-schémas » ou « éco-programmes ». Le niveau 3 de la certification (auquel est attribué le label HVE) pourrait faire partie des exigences pour bénéficier de subventions au titre de ces éco-schémas. Plus problématique, il serait question d’y inclure aussi le niveau 2, pourtant peu exigeant (lire encadré). Et là, il s’agit d’une enveloppe de 2 milliards d’euros par an à distribuer…

Raison de plus pour revoir les exigences à la hausse, en particulier sur les pesticides. « À partir du moment où ces intrants sont dommageables pour les écosystèmes et les humains, il faut cesser de les utiliser, rappelle Arnaud Schwartz, président de FNE. Et c’est bien la production bio qui mérite d’être soutenue, plus que toutes les autres, pour répondre aux défis climatique et de biodiversité. »

Cahier des charges

Créée en 2011, la certification environnementale comporte trois niveaux. Le niveau 1 demande seulement le respect de la réglementation, et le niveau 2 ajoute quelques exigences peu contraignantes en termes de bonnes pratiques agricoles. Seul le 3niveau, qui déploie un cahier des charges nettement plus exigeant, permet d’obtenir le label HVE. Pour y prétendre, l’agriculteur a le choix entre deux options :

  • L’option A s’appuie sur quatre indicateurs : biodiversité, stratégie phytosanitaire, gestion de la fertilisation et de l’irrigation. Chacun est composé d’une série d’items, comme le nombre d’espèces animales et végétales sur l’exploitation, les infrastructures agroécologiques (haies, mares…), l’ampleur des traitements phytosanitaires…
  • L’option B s’appuie sur deux indicateurs : la part d’infrastructures agroécologiques ou de prairies, et le poids des intrants (eau, engrais, pesticides, carburant, produits vétérinaires, aliments, etc.). Cette option, jugée trop permissive par FNE et d’autres ONG, est aussi moins utilisée, et sa suppression est dans les tuyaux.

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