« Des pesticides et des perturbateurs endocriniens dans l’eau du robinet », viennent d’assurer en chœur la plupart des médias, semant ainsi une belle panique, pour le plus grand bonheur des industriels de l’eau en bouteilles. En réalité, il y a vraiment de quoi relativiser. Explications.
C’est devenu une habitude. Régulièrement, l’association Générations futures sort un dossier sur la pollution par les pesticides, qu’elle suspecte aussi d’être des perturbateurs endocriniens. À chaque fois le propos est très alarmiste, mais c’est logique puisqu’elle milite pour une agriculture 100 % bio, son objectif étant de « protéger les générations futures des pesticides et autres chimiques ».
Ce qui est plus étonnant, c’est de voir la plupart des médias reprendre quasiment mot pour mot les propos du communiqué de presse de Générations futures, sans aucun recul et sans trop de vérifications. Il faut admettre qu’en titrant « Des pesticides et des perturbateurs endocriniens dans l’eau du robinet », deux mots qui font peur et à juste titre, la presse gagne à tous les coups.
Mais en l’occurrence, l’alerte est surjouée, dès lors qu’elle repose sur des limites de détection très basses et discutables, et non les limites de détection réglementaires prises en compte dans la carte interactive de la qualité de l’eau de l’UFC-Que Choisir. Il faut savoir que les limites analytiques ont énormément progressé, si bien que les seuils de quantification des molécules sur lesquels s’appuie cette alerte se situent à des niveaux infiniment bas, très inférieurs à la limite réglementaire de 0,1 µg/l (microgramme par litre) qui ne doit pas être dépassée.
Or Que Choisir qui analyse et teste des produits en permanence est bien placé pour le savoir, les limites de détection et de quantification se sont tellement abaissées qu’on trouve des traces de tout partout, ce qui ne veut pas dire qu’elles présentent toujours un risque pour la santé. Il peut être légitime de ne vouloir strictement aucune trace de pesticides, aussi infinitésimale soit-elle, mais il s’agit d’un combat militant, en aucun cas d’un enjeu de santé publique, il est dommage que de nombreux médias l’aient oublié.
Certes la lutte contre les pesticides est en enjeu majeur de santé publique, mais s’ils demeurent problématiques dans l’eau du robinet, c’est pour 3 % de la population qui est exposée à des dépassements ponctuels, voire fréquents, de la limite réglementaire. Les malchanceux habitent dans des zones de grandes cultures, de maraîchage intensif, de viticulture ou de secteurs voués au maïs. Présenter la problématique comme universelle en France est pour le moins abusif.
Élisabeth Chesnais