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Procès du Mediator – Servier condamné

Les sociétés Servier et l’Agence du médicament ont été reconnues coupables ce lundi dans le dossier Mediator, plus de 10 ans après l’éclosion du scandale.

 

Dans l’affaire Mediator, plus de 10 ans après le début du scandale, il y a enfin officiellement, non seulement des morts et des atteintes à vie, mais aussi des coupables. Les sociétés Servier et Jean-Philippe Seta, ancien numéro 2, ont été condamnés ce matin à l’issue d’un an de procès et de neuf mois de délibéré, pour tromperie aggravée, homicides involontaires et blessures involontaires. L’industriel écope d’une amende de 2,7 millions d’euros, le maximum légal, à laquelle s’ajoutent les indemnisations à verser aux victimes directes et indirectes : au moins 160 millions d’euros, et plus vraisemblablement, un total proche des 200 millions d’euros, selon le calcul rapide de François De Castro, un des avocats de la défense. Le montant précis ne sera connu qu’une fois le jugement détaillant la somme pour chaque partie civile décortiqué par les avocats. L’UFC-Que Choisir, qui représentait l’intérêt collectif des consommateurs, obtient 50 000 euros de dommages et intérêts, et 50 000 euros pour les frais de justice. À noter, la firme pharmaceutique française est relaxée pour les faits d’escroquerie envers les organismes d’assurance maladie : les juges ont estimé qu’il n’y avait pas eu de manœuvres frauduleuses et qu’en plus, en raison de son service médical rendu anecdotique, « le médicament aurait dû être déremboursé ». L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), Afssaps à l’époque des faits, prévenue pour homicides involontaires par imprudence et négligence, est elle aussi condamnée. Elle devra verser 303 000 euros d’amende.

Mensonge de 33 ans

En préambule de la lecture du jugement, la présidente du tribunal, Sylvie Daunis, a rappelé tout ce que les laboratoires Servier ont nié tout au long du procès : « Le benfluorex (principe actif du Mediator) dispose de propriétés anorexigènes », connues de Servier « dès les années 70 », confirmées dans les années 90. « Les laboratoires les ont dissimulées au moment de leur demande de visa. » Les audiences, commencées le 23 septembre 2019, auront eu le mérite de montrer l’acharnement de Servier à distinguer le Mediator d’autres anorexigènes comme le Pondéral et l’Isoméride, en premier lieu en le faisant passer, jusqu’au bout, pour un antidiabétique… alors que ses effets dans le diabète n’ont jamais été démontrés. Pourtant, les trois produits se transformaient, une fois dans l’organisme, en un même métabolite, la norfenfluramine, responsable des dégâts sur les valves cardiaques. 5 millions de personnes ont été exposées aux effets néfastes du Mediator, entre 1 500 et 2 000 sont décédées des suites d’une atteinte cardiaque causées par le médicament. Il aura fallu la ténacité et l’ingénuité de la pneumologue brestoise Irène Frachon pour venir à bout d’un mensonge qui aura tenu 33 ans.

Amende faible par rapport à la gravité des faits

Présente ce lundi au tribunal judiciaire de Paris, elle s’est dite satisfaite de voir la véritable nature du Mediator reconnue, et de l’attention portée au préjudice des victimes pendant toutes ces heures d’audiences. Mais les sanctions, « modestes », montrent l’incapacité du droit à « punir les infractions en col blanc ». Un sentiment partagé par les avocats des parties civiles : « On est loin d’un pur soulagement, a lancé Charles Joseph-Oudin. 160 millions d’euros, c’est faible, par rapport à la gravité des faits. Pour Servier, le Mediator reste une opération lucrative. Le jugement n’envoie pas le signal qu’il ne faut pas faire de pari sur la vie des patients. » Les ventes de Mediator ont généré 500 millions d’euros de chiffre d’affaires. Les avocats de la défense ont peu réagi à la sortie du tribunal, attendant de prendre connaissance du jugement dans ses détails avant de se prononcer sur une éventuelle décision d’appel.

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