Depuis 1985, tous les supports d’enregistrement neufs (VHS, DVD, clés USB, disques durs, etc.) sont soumis à une redevance qui rémunère les artistes en contrepartie des copies de leurs œuvres que les consommateurs réalisent à titre privé. Les smartphones n’y ont pas échappé, les smartphones reconditionnés sont désormais concernés. Leur prix va donc augmenter.
L’élaboration des lois est parfois surprenante. Cette semaine, alors qu’ils débattaient sur le texte destiné à réduire l’empreinte environnementale du numérique, les députés ont adopté un amendement plombant pour le secteur du smartphone reconditionné. Ces appareils de seconde main, a priori écologiquement vertueux, seront désormais soumis à la redevance pour copie privée, comme tous les smartphones et autres supports de stockage neufs. Cette taxe, qui existe depuis 1985, rémunère les artistes en contrepartie des copies de leurs œuvres que les consommateurs réalisent à titre privé. Clés USB, disques durs, DVD ou encore smartphones sont ainsi taxés à hauteur de leur capacité de stockage, ce qui a généré, en 2020, un revenu de 273 millions d’euros en soutien à 11 000 artistes. Les 2 millions de smartphones reconditionnés vendus chaque année devraient rapporter 14 millions d’euros supplémentaires.
Impact indéniable sur les prix
Et ces revenus supplémentaires, ce sont les consommateurs qui vont les payer. Copie privée, l’autorité administrative indépendante qui gère le dispositif, a fixé le montant de la redevance à 7,20 € pour les smartphones reconditionnés de 64 Go ou moins (7,80 € pour les tablettes tactiles reconditionnées de même capacité). Ce barème est inférieur de 40 % à celui appliqué aux appareils neufs. Mécaniquement, son impact sera perceptible sur les smartphones reconditionnés les plus accessibles, et donc sur les consommateurs les plus défavorisés. L’UFC-Que Choisir, opposée à l’application de la redevance sur les smartphones reconditionnés, s’en désole.
Ce n’est pas la seule. L’élargissement de l’assiette de la redevance copie privée au reconditionné a agité les défenseurs du droit d’auteur et les acteurs du secteur du reconditionnement, et fait débat jusqu’au sein du gouvernement. D’un côté, le Premier ministre Jean Castex et sa ministre de la Culture Roselyne Bachelot, en quête de financement pour les artistes, de l’autre le secrétariat d’État au numérique et le ministère de la Transition écologique, frileux à l’idée de fragiliser une filière encore balbutiante. L’amendement finalement adopté à l’Assemblée nationale se veut être un compromis. Il prévoit en effet que soient exonérés de redevance les smartphones reconditionnés par des entreprises de l’économie sociale et solidaire (les Ateliers du bocage ou Emmaüs, par exemple). Et fige les barèmes jusqu’en décembre 2022. À cette date, promet le gouvernement, une étude aura permis de mesurer l’impact de la redevance sur le secteur du reconditionné. Mais d’ici là, la situation aura peut-être déjà évolué plusieurs fois, entre deuxième lecture de la proposition de loi au Sénat et saisine du Conseil d’État par l’UFC-Que Choisir sur les barèmes des téléphones mobiles et tablettes reconditionnés…