Une expérimentation permet de faire appel à des entreprises et artisans non RGE (Reconnus garants de l’environnement) pour réaliser des travaux éligibles à l’aide publique MaPrimeRénov’. Décryptage du dispositif.
Problèmes techniques persistants, retards de versement… le dispositif public d’aide à la rénovation des logements MaPrimeRénov’ est, depuis son lancement en janvier 2020, victime de son succès. Ce qui n’a pas empêché l’État de mettre sous pression l’Agence nationale de l’habitat (Anah), l’organisme chargé du traitement des demandes. Il lui a fixé en 2021 des objectifs très ambitieux : l’aide au financement de la rénovation de 400 000 à 500 000 logements avec MaPrimeRénov’ (191 690 demandes déposées en 2020), à l’appui d’un colossal budget de 1,7 milliard d’euros.
Si ça bloque dans les tuyaux pour les demandeurs, sur le terrain, ça pourrait aussi coincer. Car pour décrocher MaPrimeRénov’, les particuliers doivent impérativement faire appel à une entreprise labellisée RGE (Reconnu garant de l’environnement), dont la liste est consultable sur le site du service public de la rénovation Faire.gouv.fr. Mais sur les 500 000 entreprises du bâtiment opérant en France, environ 10 % seulement détiennent cette certification. Par ailleurs, « le nombre d’entreprises certifiées a baissé de 10 000 en deux ans », souligne Jean-Christophe Repon, président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb). Autre problème, cette labellisation étant à la fois contraignante et très coûteuse (jusqu’à plusieurs milliers d’euros), elle exclut, de fait, un grand nombre d’artisans et de petites entreprises du bâtiment.
DES QUALIFICATIONS TRÈS ENCADRÉES ACCORDÉES POUR CHAQUE CHANTIER
C’est donc pour participer à l’atteinte des objectifs du gouvernement et encourager la montée en compétences des artisans dans la rénovation énergétique qu’une expérimentation, appelée « RGE chantier par chantier », a été lancée par l’État. Depuis le 1er janvier 2021, et pendant deux ans, elle offre la possibilité aux particuliers de solliciter de petites entreprises non RGE pour faire réaliser leurs travaux de rénovation énergétique, tout en restant éligibles à MaPrimeRénov’. « Par exemple, vous pouvez faire appel au plombier-chauffagiste non RGE dont vous êtes client depuis des années pour changer votre chaudière et profiter de l’aide publique », illustre Jean-Christophe Repon.
Mais l l’ambition du dispositif est limitée, elle se limite à 3 chantiers sur 2 ans. De plus, son accès n’est pas sans condition : le professionnel doit, pour chaque chantier, décrocher une qualification auprès des organismes qui accordent la certification RGE (Qualibat, Qualifelec et Qualit’EnR). Délivrée sous une semaine, elle consiste en l’examen d’une liasse de documents prouvant la bonne tenue de l’entreprise : elle doit être inscrite au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers depuis au moins 2 ans, être en ordre concernant le paiement des cotisations sociales, des impôts et des taxes, ne pas être en état de liquidation judiciaire ou de cessation d’activité, détenir une assurance valide pour le chantier et ne pas sous-traiter les travaux.
EN CAS DE PROBLÈME, L’ENTREPRISE NE PEUT PAS FACTURER
Pour éteindre l’une des craintes qui peuvent habiter les particuliers (malfaçons, travaux bâclés…), le processus prévoit également un contrôle systématique à chaque fin de chantier par l’organisme certificateur. Si ce dernier juge que les travaux ont été réalisés dans les règles de l’art, l’artisan peut alors émettre sa facture. Dans le cas contraire, « l’entreprise doit les corriger et une nouvelle visite peut être déclenchée pour les vérifier », détaille le gouvernement dans un communiqué. « On était inquiets que le système crée des failles, notamment règlementaires, dans lesquelles des fraudeurs auraient pu s’engouffrer, mais il a été bien bordé », commente Frédéric Utzmann, fondateur du groupe Effy. « Cette qualification RGE par chantier ne fait pas courir de risque au particulier », confirme Jean-Christophe Repon.
Seul hic, cette qualification par chantier n’est pas gratuite. Chaque contrôle de chantier par les organismes certificateurs est facturé autour de 500 €. Une somme qui pourrait peser sur le consommateur si l’artisan décide de l’intégrer au coût de son intervention et qui pourrait diminuer d’autant l’avantage financier de MaPrimeRénov’ selon les types de travaux effectués. « L’État doit être vigilant sur ce coût, conclut Jean-Christophe Repon. Il ne doit pas être en défaveur des artisans qui sont entrés dans la démarche RGE classique mais il ne doit pas constituer un frein qui découragerait les artisans et les particuliers de recourir au dispositif. »
Le processus n’est pas encore complètement opérationnel. « Les organismes travaillent à la mise en place d’une plateforme commune en ligne en cours de test sur laquelle l’artisan saisira sa demande », explique Éric Jost, directeur général de Qualibat, à nos confrères du Moniteur de l’artisan, l’organisme n’ayant pas souhaité nous accorder d’entretien.